« Le savoir-faire doit être au service de l’émotion et non au service de la technicité elle-même »
Christophe Moret, cuisinier du goût
Ce cuisinier d’expériences et d’influences, saucier et rôtisseur, est pour le moins concerné par la place centrale du végétal. Il revendique une gastronomie française et bien vivante. Autrement dit : décomplexée et ouverte sur le monde. « L’histoire nous montre que notre cuisine a toujours été empreinte de métissages, pourquoi être tenté de la figer, de se concentrer sur un excès de technique plutôt que d’aller chercher l’émotion ? ». Vouloir créer du lien, provoquer la surprise et l’émoi, c’est peut-être le meilleur hommage que l’on puisse rendre à la gastronomie française. C’est l’inscrire dans la pérennité et lui faire traverser les générations pour de bon. Les frontières aussi, avec des gourmets venus du monde entier.
Christophe Moret cherche le meilleur, l’exemplarité du goût et de la qualité. Le produit d’abord. Fidèle à ses fournisseurs pour garantir une cuisine au plus près des (micros) saisons et de leur maturité, il se procure les plus beaux produits locaux comme avec son feuille à feuille de foie gras, travaillé à partir des champignons de carrières voisines. À l’écoute, mais sans injonction aucune et sans interdits, il est prêt à piocher dans ses souvenirs de voyage, le détail qui fera toute la différence. Ce n’est pas un secret, Christophe Moret a fait de son goût pour l’Asie une inspiration. Il y puise une large part de sa modernité en proposant par exemple cet oursin caviar, dans une nage de bonite, kombu fumés et son fameux Chawanmushi, qui n’est autre qu’une classique royale digne d’Edouard Nignon, mais sans beurre et sans crème, d’un umami et d’une légèreté dignes de la cuisine d’aujourd’hui, tant recherchés. «S’amuser, se renouveler ne veut pas dire que l’on s’éparpille. Au contraire, se montrer audacieux nécessite de bien connaître ses produits et d’être ouvert aux autres ». Raison de plus pour celui qui aime l’iode, les acidités et tout ce qui empêche de tourner en rond, de cuisiner ses propres condiments comme les poireaux-livèche, le citron-kumquat, les champignons de Paris-Shitaké… « A la cuisine de haute technologie, je préfère le goût d’une cuisson en cocotte et du risque. Aux cuissons sous-vide, j’opte pour faire confire les poissons à basse température, cuire les légumes en papillotes et rôtir un pigeon en direct sur sa carcasse.
C’est cela, la cuisine vivante et instantanée ! » C’est aussi remettre de la découpe en salle, comme celle d’un homard en cocotte lutée ou proposer deux plats végétariens et s’offrir la complicité de l’ensemble des équipes. Un bon restaurant est inévitablement un travail envisagé de concert, aux yeux de ce Chef bonhomme, à l’œil taquin, au sourire franc et généreux, soucieux d’installer un dialogue entre les brigades, la sommellerie et la salle… Si cette dernière doit connaître chaque assiette sur le bout de la langue, elle est encouragée à échanger avec les producteurs. Quant à la sommellerie, elle est invitée à goûter chaque plat en amont afin de proposer l’accord optimal parmi les 1000 références de champagne.